On croit souvent être gentil… alors qu’en réalité on cherche simplement à plaire.
Il y a quelques années, j’ai lu un livre intitulé ‘Not Nice’ (Dr Aziz Gizupura) car je sentais que je me retrouvais parfois dans des situations où je ne savais pas poser des limites et m’affirmer. Dans le premier chapitre, l’auteur explique la différence entre être ‘nice’ et ‘kind’. J’ai trouvé cela hyper pertinent. En français, on a qu’un seul mot ‘gentil’ et c’est plus difficile de faire la distinction.
Nice vs Kind
Être trop gentil (ou too nice), c’est dire oui pour éviter le conflit, pour être aimé, pour ne pas déranger. Dire oui pas peur.
Être vraiment gentil (ou kind), c’est dire oui avec sincérité et savoir dire non quand c’est juste. Quand on dit oui c’est parce qu’on a envie.
La vraie gentillesse ne sacrifie pas ses besoins. Elle inclut l’autre, sans s’oublier soi.
Le besoin de plaire est souvent inconscient et peut-être bien déguisé. On peut croire qu’on est simplement “gentil”, “empathique”, “dévoué”... alors qu’en réalité, on agit par peur de déplaire, d’être rejeté, ou de ne pas être assez.
C’est normal de chercher à plaire, nous sommes des créatures sociales. Depuis que nous sommes petits, on apprend à plaire aux autres : à ses parents, ses professeurs, ses amis. Plaire va de pair avec le sentiment de sécurité, d’appartenance, d’amour, d’acceptation. Vouloir plaire, c’est vouloir être aimé (et il n’y a rien de mal à cela!)
Mais comme tout, quand c’est trop, quand c’est déséquilibré, cela peut faire plus de mal que de bien.
Comment savoir si on est trop gentil?
1. Tu dis "oui" quand tu veux dire "non"
Tu acceptes des invitations, des demandes ou des tâches… alors que tu n’en as pas l’énergie, pas l’envie, ou pas le temps.
Tu culpabilises à l’idée de dire non.
2. Tu adaptes ton comportement selon les gens
Tu changes de ton, de vocabulaire, d'opinion ou même de goûts pour "coller" à la personne en face.
Tu veux éviter le conflit ou faire "bonne impression".
3. Tu évites de donner ton avis sincère
Tu gardes tes pensées pour toi, tu relativises tout, ou tu fais des pirouettes verbales pour ne pas froisser.
Tu préfères être perçu comme sympa que d’être vraiment toi même.
4. Tu fais passer les besoins des autres avant les tiens
Tu te plies en quatre pour aider, rassurer, arranger… même si tu es épuisé ou que ça te coûte.
Tu cherches inconsciemment à être aimé pour ta générosité ou ta "gentillesse".
5. Tu crains beaucoup le rejet ou le jugement
Une critique te bouleverse ? Un silence te stresse ?
Tu t’inquiètes en permanence de ce que les autres pensent de toi.
6. Tu joues un rôle (même léger) pour être apprécié
Tu souris quand tu es triste, tu fais semblant d’aller bien, tu minimises tes besoins.
Tu crois qu’être authentique pourrait te coûter l’amour ou l’estime de quelqu’un.
7. Tu sur-analyses tes interactions
Après une conversation, tu repasses tout en boucle :
"J’aurais pas dû dire ça..."
"Est-ce qu’il·elle m’a trouvé bizarre ?"
Ton esprit cherche à détecter un rejet potentiel.
8. Tu bases ton estime de toi sur l’opinion des autres
Si les autres t’aiment, tu te sens bien. S’ils s’éloignent ou critiquent, tu te remets en question entièrement.
Tu n’es pas encore ton propre point d’ancrage.
Pourquoi c’est un problème ?
Bien sûr, être gentil, faire plaisir, rendre service… c’est profondément humain. Et c’est beau. D’ailleurs, rien ne rend plus heureux que la vraie gentillesse, celle qui vient du cœur, librement car c’est ce qui crée du lien.
Mais ici, on parle d’autre chose : de cette gentillesse qui n’est plus un choix, mais un automatisme. Celle qui s’active par peur : peur de déranger, de décevoir, d’être mal vu.
Et souvent, ce “trop” de gentillesse ne se manifeste pas partout. Parfois, c’est surtout en famille. Parfois, c’est au travail. Ou dans l’amitié. Ce n’est pas de la vraie gentillesse. C’est de la peur déguisée : peur du conflit, du rejet, d’être mal vu, d’être abandonné.
Alors on fait plaisir. On dit oui. On arrondit. On s’adapte.
Mais à force de vouloir plaire à tout le monde…
On s’oublie. On s’épuise. On se trahit.
Les risques de ce mécanisme sont :
de l’épuisement émotionnel
une frustration chronique
de la colère refoulée
une estime de soi affaiblie
des relations déséquilibrées
une perte de repères (qui je suis, ce que je veux)
Comment on se libère?
Apprendre à être gentil avec les autres, sans être cruel envers soi-même.
1. On se rappelle qu’on ne peut pas plaire à tout le monde
"Vouloir plaire à tout le monde, c’est n’être personne." André Gide
Tu peux être la personne la plus gentille et inspirante… et quand même ne pas plaire à tout le monde. Et c’est normal. Plutôt que "tout le monde m’aime", vise : "Je suis en paix avec qui je suis, même si je ne plais pas à tous."
On est toujours le méchant dans l’histoire de quelqu’un…
Les personnes les plus inspirantes ont une identité claire, parfois polarisante. Vouloir être “neutre” pour plaire à tous, c’est souvent finir par ne toucher personne.
“Si tu veux éviter la critique : ne dis rien, ne fais rien, ne sois rien.” Aristote
2. On se rappelle déplaire ne veut pas dire ne plus être aimé
Comme on l’a vu, dire non, poser une limite, affirmer un désaccord : tout cela peut déclencher une peur profonde : celle de ne plus être aimé.
Mais cette peur est souvent un fantasme hérité, pas une réalité.
Oser déplaire, c’est comprendre que :
Tu vas frustrer certaines personnes, parfois.
Tu vas dire des choses qui ne feront pas l’unanimité.
Tu vas être en décalage avec les attentes.
Et malgré ça, tu resteras aimé. Voire : on t’aimera davantage pour ta clarté, ta solidité, ton honnêteté.
Des études en psychologie des relations montrent que les liens les plus profonds ne reposent ni sur l’évitement des conflits, ni sur le consensus permanent, mais sur l’authenticité émotionnelle (source : Harvard Study of Adult Development).Oser déplaire, c’est arrêter de marchander l’amour. C’est faire confiance à cette idée : les bonnes personnes resteront. Et celles qui partent libèrent de la place.
Certaines personnes ne t’aiment que quand tu es conforme à leurs attentes.
Apprends à repérer qui t’aime quand tu es aligné, pas quand tu t’adaptes.
3. On apprend à dire non
“Dire non est parfois un acte de grande sagesse.” Dalai Lama
Dire non, c’est poser une frontière. Ce n’est pas rejeter l’autre, c’est se respecter.
“Ce que tu acceptes, tu l’enseignes.” Cheryl Richardson
Des études en psychologie sociale montrent qu’on surestime très souvent à quel point notre refus va blesser l’autre. La peur de dire non est souvent liée à des schémas d’attachement (source : Psychology Today, 2021).
Commence petit. Avec des “non” simples, sans justification excessive :
→ “Je ne peux pas cette fois.”
→ “Merci, mais je préfère décliner.”
Trouve des moyens de reformuler le non. J’ai une amie qui se marie bientôt et qui m’a raconté que plutôt que devoir dire non frontalement aux idées de sa belle-mère (qui ne sont pas toujours à son goût), elle lui dit : “merci, je mets la suggestion dans la boite à idée”. La limite est posée mais subtilement.
4. On change notre relation au conflit
Beaucoup de “trop gentil” fuient le conflit à tout prix.
Mais éviter le conflit crée souvent des tensions invisibles, du ressentiment et du stress chronique.Apprendre à affronter les tensions avec calme et fermeté, c’est gagner en sérénité.
Selon une étude de l’APA (American Psychological Association), les personnes qui expriment clairement leurs besoins, même en cas de désaccord, ont des relations plus solides à long terme.
Mon ancienne boss me disait : “être doux sur la forme, mais ferme sur le fond.”
Cela s’appelle l’assertivité et c’est une vraie skill.
En résumé
Soyez bienveillants, aimants, généreux mais sachez repérez quand c’est fait avec le coeur vs fait par peur. La solution n’est pas l’égoïsme : c’est l’authenticité, l’estime de soi, la clarté intérieure.
“Les limites ne sont pas là pour briser les gens, mais pour protéger ce qui est précieux.” Brené Brown
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Elodie